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Élections Anglaises : la grosse honte des instituts de sondage

En 2015, le Royaume-Uni élisait son parlement et son gouvernement. Comme toujours dans les pays polarisés en deux camps principaux, les enjeux étaient de taille. Et bien entendu, le public comme les politiciens ont passé le plus clair de leur campagne les yeux rivés sur les sondages.

Les sondages prédisaient un résultat extrêmement serré entre Travaillistes et Conservateurs. Le Parti Travailliste a basé sa stratégie en partie sur ces sondages: quasi-certains d’atteindre une majorité en s’alliant avec les Libéraux-Démocrates, ils ont refusé tout compromis avec le Parti Nationaliste Écossais (SNP).

Évolution des sondages avant les élections. Chaque point représente un sondage. Rouge : travaillistes. Bleu : conservateurs.

La figure montre l’évolution des intentions de vote exprimées dans les sondages. Chaque point sur le graphe représente un sondage entier, la date de l’élection est tout à droite du graphe.  On remarque que l’accord entre les différents instituts est très bon, étant donné la marge d’erreur de +-3% inhérente à ce genre de sondages.

Des résultats inattendus… et une grosse claque pour les instituts anglais

Le résultat des élections ?

Un triomphe sans appel pour le Parti Conservateur et les Indépendantistes écossais, et une déroute pour les Travaillistes et les Libéraux Démocrates.

… et une très grosse honte pour les instituts de sondage. Au point même qu’une enquête officielle a été lancée pour déterminer la cause de l’erreur généralisée des sondages.

Résultat des élections : presque 10% d’avance pour les Conservateurs

Le moment du bilan

Que s’est-il donc passé lors des élections Anglaises, pour que les sondages se trompent au point d’affecter les résultats même des élections ?  Au lendemain du vote, il n’y avait pas de réponse claire.

Sur ce sujet, Matthias Brunner (fondateur de Satiscan et spécialiste chevronné des sondages politiques) nous donne quelques clés de compréhensions et de précieux avertissement sur les sondages politiques actuels.

Premier piège : le moyen utilisé pour contacter les participants :

« Les sondages traditionnels étaient téléphoniques. Mais avec internet et les portables, le type de personnes qui répondent à leur téléphone fixe ne sont plus très représentatives de l’ensemble de la population. On peut se rabattre sur des sondages internet, mais là aussi, on risque d’atteindre un groupe de personne pas entièrement représentatif. »

Le deuxième piège, c’est que les personnes qui répondent volontiers à un sondage sur des sujets politiques sont, en général, plus intéressée par la politique.

« C’est un truisme, mais si ces personnes sont aussi, en moyenne, susceptible de voter pour des partis plus progressistes par exemple, on aura à nouveau une vision non représentative de l’ensemble de la population. »

Le troisième enfin est le plus évident : c’est le problème de la participation. Quelles que soit les intentions de vote, si une fraction non représentative des électeurs ne vote pas, le résultat sera différent.

Les instituts de sondage modernes sont évidemment au fait de ces problèmes, et ont développé toutes sortes de corrections sophistiquées pour les mitiger. Par exemple, ils utilisent les résultats des élections passées pour anticiper les biais de leurs sondages.

Des moutons chez les scientifiques ?

Ajoutons un quatrième piège, un effet bien connu dans la communauté scientifique : la pression sociale entre les différents chercheurs tend à faire accepter les résultats proches de la moyenne des autres instituts, et à rejeter comme incorrect les résultats très différents. C’est l’effet « troupeau ». On constate dans la figure que l’accord entre les différents instituts est assez incroyablement bon. Pas une seule agence n’a donné des prédictions très différentes, et aucune ne s’approche des résultats réels.

La commission d’enquête a révélé ses conclusions en janvier 2016 (www.ncrm.ac.uk/polling/documents). Elle écarte le problème de la participation, et met la faute principale sur la représentativité des échantillons. Il semble que tous les instituts n’aient pas réussi à inclure une tranche représentative de la population dans leurs sondages, et ceci de manière similaire. Bien que cela soit plus difficile à établir, l’enquête conclue aussi à la présence très probable d’un effet de troupeau, les instituts s’influençant les uns les autres par leurs méthodes et par leurs résultats.

Quelles sont les enseignements de ce fiasco ?

Un zeste de prudence envers les résultats des sondages, bien sûr. Ça ne marche pas toujours. Toute la difficulté réside dans la constitution d’un échantillon de personnes vraiment représentatif de la population dans son ensemble, du moins sur le plan de la caractéristique qu’on cherche à étudier. Le problème, c’est que la population et ses habitudes évoluent constamment, un échantillon représentatif aujourd’hui ne le sera pas forcément demain.

Une autre conclusion, commune à tous les domaines, est qu’un bon accord entre un grand groupe de spécialistes n’est pas un gage de certitude.

Pour finir, il faut quand même rappeler que dans la vaste majorité des cas, les résultats finaux des votes et des élections sont proches des indications des sondages, et que les exceptions attirent l’attention justement parce qu’elles restent des exceptions.

Prochain épisode : le Brexit

Ce 23 juin, les Britanniques sont rappelés aux urnes pour un vote encore plus important : leur sortie de l’Union Européenne. Tous les yeux sont rivés sur les sondages … et sur les sondeurs. On remarque déjà que les sondages téléphoniques et les sondages internet donnent des prédictions différentes : les premiers indiquent une victoire assez claire du « non », les second un score très serré. Réponse dans dix jours.

Article posté sur LinkedIn par Frédéric Pont

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